Favoriser la vie pour cultiver l’avenir : Biodiversité et durabilité au sein des domaines viticoles wallons

21 août 2025

Définir la biodiversité dans le contexte viticole wallon

La biodiversité, c’est d’abord la richesse du vivant – végétaux, animaux, champignons, micro-organismes – sur une parcelle ou un terroir. Dans les vignobles, elle prend des formes multiples :

  • La diversité végétale : des engrais verts semés en inter-rangs, des haies, des talus fleuris.
  • La vie animale : abeilles pollinisatrices, vers de terre, auxiliaires comme la coccinelle mais aussi oiseaux et chauves-souris qui chassent les insectes nuisibles.
  • La vie du sol : microfaune, bactéries, champignons mycorhiziens qui rendent les nutriments accessibles à la vigne.

L’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) intègre la biodiversité parmi les critères essentiels pour juger la durabilité d’un terroir viticole (OIV).






Biodiversité, levier de stabilité écologique

Un vignoble diversifié, à première vue un peu "désordonné", est en réalité bien plus stable et résilient. Les monocultures créent des systèmes fragiles, exposés à chaque nouvel aléa climatique ou sanitaire. À l’inverse, enrichir la faune et la flore a plusieurs avantages documentés :

  • Réduction de l’érosion des sols : les racines variées structurent et retiennent la terre, limitant les pertes de sol liées aux pluies – particulièrement crucial sur les coteaux wallons où l’érosion peut emporter 10 à 40 tonnes de terre/ha/an (source : SPW Agriculture).
  • Atténuation des maladies de la vigne : certains insectes auxiliaires, comme la syrphe ou la chrysopide, consomment de grandes quantités de pucerons et chenilles, ce qui permet de limiter les traitements phytosanitaires.
  • Dynamisation du cycle des nutriments : grâce aux couverts végétaux, la microfaune du sol (bactéries fixatrices d’azote, lombrics) booste la disponibilité des minéraux pour la plante.





Les chiffres ne trompent pas : bénéfices mesurables de la biodiversité dans la vigne

Les études menées dans le Val de Loire, en Champagne et récemment en Wallonie démontrent qu’un hectare de vignes entouré de plus de 20% de milieux semi-naturels (bois, haies, prairies, mares) abrite jusqu’à 60% d’espèces d’oiseaux et de pollinisateurs en plus qu’une parcelle isolée (source : Agriculture, Ecosystems & Environment).

  • Sur les domaines wallons pratiquant l’enherbement des inter-rangs, les sauterelles et orthoptères sont 2 à 3 fois plus présents.
  • Le nombre de traitements fongicides peut être réduit de 10 à 30% grâce à la lutte biologique via les auxiliaires naturels (données : Vino.be).
  • Un sol riche en vers de terre (plus de 200 individus/m) accroît la pénétration de l’eau de pluie de 30%, limitant les stress hydriques.

Un chiffre marquant : en Wallonie, le réseau de suivi BioBio (SPW, 2023) a montré que la richesse spécifique des oiseaux est deux fois plus élevée dans les vignobles labellisés bio que dans ceux en conventionnel – preuve directe de l’effet des pratiques respectueuses.






Enjeux et défis pour les vignerons wallons

S’investir dans la biodiversité représente un engagement. Cela nécessite des moyens, parfois de revoir toute l’organisation culturale :

  • Modification du calendrier d’entretien des sols (enherbement, fauche tardive, semis de plantes mellifères).
  • Gestion différenciée des bordures, préservation de vieux arbres, plantations de haies espèces indigènes.
  • Installation de nichoirs à oiseaux/chauve-souris, hôtels à insectes pour encourager la faune utile.

Ce sont des investissements sur le long terme… mais les retours sont réels : moins d’intrants chimiques, des sols vivants, une meilleure résistance face aux sécheresses et gelées tardives, et plus d’attractivité du domaine auprès des consommateurs sensibles à l’éthique environnementale.






Zoom sur les pratiques concrètes adoptées en Wallonie

  • Le Domaine du Ry d’Argent (Namur) associe la vigne à la plantation de bandes fleuries et de haies mixtes pour attirer pollinisateurs et oiseaux – tout en misant sur l’agroforesterie.
  • Le Domaine du Chant d’Eole a choisi l’enherbement entre les rangs de cépages résistants, ce qui favorise la vie du sol et limite l’impact de la mécanisation lourde.
  • Domaine du Chenoy : pionnier de la biodynamie, il a constaté une augmentation de la faune pollinisatrice et auxiliaire sur plusieurs années, une belle illustration de l’effet boule de neige de la biodiversité.

Beaucoup de jeunes domaines s’appuient aussi sur le programme « BiodiverCités » de Natagora pour obtenir des conseils d’optimisation de leurs infrastructures écologiques.






Pourquoi la biodiversité fait la différence côté terroir ?

Les retours du terrain confirment que la biodiversité fait plus qu’embellir le paysage : elle influence très concrètement la personnalité des vins wallons :

  • Les champignons mycorhiziens, plus abondants dans des sols non labourés et riches en humus, améliorent la résistance de la vigne et la complexité aromatique des raisins.
  • Certains arômes floraux ou fruités sont renforcés lorsque la microfaune du sol est équilibrée (Etude Plos One).
  • La biodiversité multipliant les microclimats et interactions, la typicité du terroir (ce fameux « goût de Wallonie ») en est enrichie et mieux protégée contre la standardisation.





La biodiversité, vecteur d’engagement et d’image pour les domaines

  • Pour obtenir les labels “bio” ou “HVE” (haute valeur environnementale), les audits biodiversité sont aujourd’hui incontournables.
  • Des initiatives collectives se développent, comme celle de la Fédération des Vignerons de Wallonie, qui sensibilise ses membres à la mise en œuvre pratique d’habitats pour les auxiliaires.
  • La biodiversité devient également un argument de vente et de valorisation sur les marchés locaux et à l’export.





Un enjeu sociétal plus large : pourquoi le consommateur a voix au chapitre ?

En sélectionnant (voire en visitant) des domaines qui valorisent la biodiversité, chaque amateur wallon contribue aussi :

  1. À la reconstitution des corridors écologiques régionaux : essentiel pour la migration des espèces à l’heure du réchauffement.
  2. Au maintien d’un tissu rural vivant, agréable à parcourir, porteur de lien social et de paysages préservés.
  3. À encourager la recherche agronomique et œnologique locale, qui alimente des pratiques innovantes (partenariats avec Gembloux Agro-Bio Tech, notamment sur la modélisation des flux de pollinisateurs).

Et ce, tout en dégustant des vins dont la personnalité et la qualité se trouvent renforcées.






Vers un futur viticole wallon durable, entre respect et innovation

La biodiversité n’est plus une option pour les domaines de Wallonie : c’est un baromètre de résilience, d’innovation, et de respect du patrimoine naturel. Elle impose de repenser la rentabilité sur le long terme plutôt qu’au fil de saisons imprévisibles. Les vignerons qui s’y engagent aujourd’hui dessinent une viticulture moderne et fière de ses racines – à chaque raisin, c’est tout un écosystème qui s’anime. Pour le consommateur, comprendre et exiger cette diversité, c’est garantir la richesse du vin wallon pour demain.






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