Biodiversité dans les vignes wallonnes : initiatives et bienfaits concrets

7 août 2025

Biodiversité et vignoble : quels enjeux spécifiques en Wallonie ?

La biodiversité est plus qu'un buzzword dans le monde viticole : c’est la clef de voûte d’une vigne équilibrée et résiliente. Sous nos latitudes, les monocultures intensives ont longtemps façonné un paysage agricole pauvre en diversité. Les vignes wallonnes, de plus en plus présentes dans un patchwork de cultures et de bocages, se situent dans des zones naturelles souvent riches mais fragiles (ex. Condroz, Fagne-Famenne, vallées mosanes).

  • La Wallonie abrite plus de 25 000 km de haies (Natagriwal, 2023), un patrimoine précieux pour la faune.
  • Près de 60% des nouvelles plantations viticoles sont adjacentes à des zones naturelles, ce qui accroît l’enjeu de gestion responsable.

Favoriser la biodiversité dans les vignes wallonnes, c’est limiter l’usage des intrants (pesticides, herbicides), améliorer la résilience face aux aléas et soutenir la pollinisation, le tout dans un contexte de terroir très éclaté.






Haies, arbres isolés & lisières : le rôle clé des infrastructures paysagères

Impossible de parler biodiversité sans évoquer ceintures végétales, arbres, lisières et petites mares. Traditionnellement, le paysage wallon est jalonné de haies champêtres, précieux relais pour oiseaux, hérissons, insectes auxiliaires et pollinisateurs.

  • Haies bocagères : En Condroz ou dans la vallée de la Meuse, de plus en plus de vignerons restaurent (ou créent) des haies multi-essences : aubépine, prunellier, sureau, noisetier, cornouiller… Ces haies servent d’abri, de garde-manger et de corridors écologiques.
  • Arbres isolés et lisières : Certains domaines, comme le vignoble du Domaine du Ry d’Argent (Namur), plantent de vieux fruitiers ou conservent les arbres têtards (saules, frênes) en lisière de vignes.
  • Mares et points d’eau : Installées en bordure, elles attirent batraciens et insectes, régulent localement la température et l’humidité, utiles pendant les épisodes de sécheresse.

L’Institut wallon de l’Évaluation, de la Prospective et de la Statistique (IWEPS) estime à +20% l’augmentation locale d’espèces d’oiseaux sur les parcelles abritant des haies. Le Syndicat des Vignerons Wallons encourage désormais leur implantation dès la création du vignoble.






Semer le vivant : couverts végétaux entre les rangs

Fini l’époque de l’inter-rang systématiquement désherbé ! Les couverts végétaux font leur grand retour – parfois involontairement grâce à la flore spontanée, parfois de manière planifiée.

  • Sols vivants : Le semis de légumineuses (lotier, trèfle blanc) et graminées permet de fixer l’azote, d’aérer le sol par les racines, et d’héberger tout un cortège d’insectes utiles, de vers de terre, et de mycorhizes naturelles.
  • Fleurs sauvages : Certaines parcelles accueillent des bandes fleuries (mélange phacélie, centaurée, sainfoin) pour attirer syrphes, abeilles et papillons. Une étude d’Agra-Ost montre que la richesse en populations pollinisatrices peut être multipliée par 3 sur une vigne fleurie par rapport à une parcelle désherbée chimiquement (source : Agra-Ost, 2021).

Cette approche apporte aussi un effet "tampon" contre les maladies, la biodiversité fongique freinant les agents pathogènes. Attention toutefois, un compromis doit être trouvé pour ne pas concurrencer la vigne sur l’eau ou l’azote.






Corridors écologiques : penser au-delà de la vigne

La survie de nombreux insectes, oiseaux ou petits mammifères dépend de leur capacité à circuler entre zones naturelles. Les vignerons wallons travaillent en synergie avec les agriculteurs voisins, les collectivités ou via des plans "Nature" communaux, pour :

  1. Éviter l’usage de clôtures grillagées continues ;
  2. Maintenir les bandes enherbées en bordure de chemin,
  3. Mettre en place des passages à faune (tas de pierres, gares à oiseaux, hôtels à insectes),
  4. Participer à des projets collectifs type "Corridor Ecologique" (initiatives avec Natagora, par ex. sur le vignoble de Villers-la-Vigne).

Ce maillage écologique permet - selon Natagora - une augmentation prouvée de la faune locale, avec +35% d’espèces de papillons inventoriées sur certains secteurs après trois ans seulement de gestion différenciée.






Limiter les intrants, repenser la protection du vignoble

La lutte biologique et la gestion intégrée remplacent peu à peu les traitements de synthèse. En Wallonie, près de 40% du vignoble sont certifiés en agriculture biologique ou en conversion (SPW Agriculture, 2023) – une proportion supérieure à la moyenne nationale.

Type d'intrant Moyenne nationale (%) Wallonie (%)
Pesticides de synthèse 45 33
Herbicides chimiques 38 21

Les vignerons privilégient :

  • Les phéromones pour la confusion sexuelle des ravageurs (eudémis, cochylis)
  • Le recours à la bouillie bordelaise, mais à doses minimales, parfois remplacée par des produits à base d’algues ou d’huiles essentielles
  • La gestion manuelle ou mécanique des adventices, via le passage d’outils interceps plutôt qu’un désherbage total

Cette stratégie favorise le retour d’espèces sensibles comme les coccinelles, les carabes ou encore de nombreuses espèces d’araignées, grandes consommatrices de parasites.






Le retour du petit gibier et des oiseaux, témoins d’un vignoble vivant

Le paysage du vignoble wallon évolue : on observe aujourd’hui la réapparition de la perdrix grise, du lièvre et mêmes de certains rapaces (busard Saint-Martin, faucon crécerelle) sur les parcelles engagées. Selon une observation de la Ligue Royale Belge pour la Protection des Oiseaux (LRBPO), la densité de nids de fauvettes à tête noire et de bruants jaunes a doublé sur des parcelles ayant entamé une replantation de haies sur 5 ans.

Quelques anecdotes confirment cette dynamique : en 2022, au domaine du Chenoy (Emines), l’installation de 150 mètres de haies variées et la création de deux mares ont permis le retour de l’alyte accoucheur, un petit crapaud considéré comme indicateur de qualité écologique.






Coûts, contraintes et perspectives : l’équilibre à trouver

Favoriser la biodiversité implique des coûts et une organisation à repenser. Replanter une haie coûte entre 12 et 25 €/mètre linéaire (PlantC, 2023), l’entretien demande du temps, et les couverts fleuris nécessitent un pilotage affiné pour ne pas attirer d’indésirables (par exemple, le doryphore ou la grive litorne).

  • Le soutien public augmente : la Région wallonne a lancé en 2022 un appel à projets "Vignes – Biodiversité", doté d’une enveloppe de 200 000 € pour la plantation d’infrastructures écologiques.
  • Les labels type "Haute Valeur Environnementale" (HVE) ou spécifiques comme "Vin Nature & Progrès" gagnent en visibilité, encourageant les démarches globales.

Pour rendre l’effort viable, plusieurs domaines mutualisent certains équipements (outils de gestion mécanique, semoirs), s’inscrivent dans des collectifs (ex : CAVAW – Collectif des Artisans Vignerons de Wallonie) et misent sur la formation continue.






La biodiversité, un marqueur de qualité pour les vins wallons

Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à l’impact environnemental de leurs choix. Un label, un engagement écrit ou une visite de terrain rassurent sur la démarche du producteur.

  • Selon le SOWALFIN, 47% des clients de circuits courts recherchent explicitement un "produit local et respectueux de la nature".
  • Les dégustations menées lors de la "Semaine du Terroir" révèlent que les vins issus de vignes biodiversifiées gagnent en complexité aromatique et en fraîcheur – les analyses sensorielles comparatives de 2022 (Faculté de Gembloux) pointent +15% d’arômes floraux détectés.

Pour le vigneron, c’est aussi une façon de faire rimer excellence avec sens, tout en ancrant durablement sa parcelle dans son environnement.






Vers un vignoble wallon pleinement en transition écologique

L’engagement en faveur de la biodiversité ne relève pas seulement de la perfection technique ou du marketing. Il s’agit d’un mouvement concret, en expérimentation permanente, parfois tâtonnant, mais qui offre des résultats visibles et mesurables – tant pour la nature que pour la qualité des vins.

À l’avenir, la synergie entre producteurs, chercheurs, citoyens et collectivités locales devrait permettre d’aller encore plus loin : suivi de la faune, nouveaux couverts mellifères, échanges de bonnes pratiques, et pourquoi pas, une Wallonie viticole reconnue comme modèle européen de vigne biodiversifiée.

Choisir une bouteille issue de ces vignobles, c’est donc bien plus que consommer : c’est participer à cet élan, soutenir un patrimoine vivant… et savourer la richesse du terroir wallon dans toute sa diversité.

  • Sources : IFAPME, IWEPS, Natagriwal, Agra-Ost, SPW Agriculture, Natagora, LRBPO, PlantC, SOWALFIN, Faculté de Gembloux.





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