La biodiversité retrouvée : Comment la viticulture responsable protège la faune et la flore en Wallonie

16 août 2025

Quand la vigne devient refuge : La Wallonie, carrefour de biodiversité

Dans l’imaginaire collectif, les coteaux wallons sont plutôt associés aux prairies et forêts qu’aux alignements de ceps. Pourtant, la vigne retrouve ici une place historique, créant des milieux ouverts souvent rares dans nos paysages. Ces milieux, tachetés de jachères fleuries, talus herbeux et haies, sont de véritables niches pour la biodiversité locale. D’après Natagora (2022), ce sont près de 5 % des vignobles wallons qui sont intégralement certifiés biologiques, et une part croissante prend le parti du « zéro herbicide ». Cet engagement sert d’aiguillon aux autres cultures, mais il est surtout bénéfique à une série d’espèces fragiles.






Faune : Les espèces animales protégées retrouvant un asile dans les vignes responsables

Oiseaux : entre vignes et haies, une symphonie retrouvée

  • Bruant jaune (Emberiza citrinella):

    Ce passereau, en forte régression en Wallonie à cause de l’intensification agricole (source : Observatoire de la faune, SPW), est particulièrement friand des bordures enherbées que laisse prospérer la viticulture durable. Les vignerons engagés conservent les bandes herbacées le long des rangs et maintiennent des haies diversifiées, indispensables au cycle de vie du Bruant jaune.

  • Tarier pâtre (Saxicola rubicola):

    Autre bénéficiaire, ce petit oiseau affectionne les jachères temporaires et pousse-chats, typiques des exploitations limitant le désherbage chimique.

  • Milan royal (Milvus milvus):

    Moins fréquent mais en expansion, le Milan royal survole de plus en plus les vignobles ouverts et extensifs. Il profite d’une chaîne alimentaire préservée grâce à la maîtrise raisonnée des pesticides (source : Aves-Natagora).

Petite faune : entre sols vivants et refuges naturels

  • Hérisson d’Europe (Erinaceus europaeus):

    Victime des traitements chimiques et de la disparition des haies, il connaît un regain de population là où les vignerons replantent des linéaires bocagers et laissent des tas de bois et de pierres propices à l’hivernation.

  • Lézard des murailles (Podarcis muralis):

    Répandu sur les coteaux calcaires et les vieux murs de vignes, ce lézard est protégé en Wallonie. Grâce aux murets restaurés ou laissés en friche, il retrouve des habitats essentiels. Selon la DNF (Division Nature et Forêts), certains vignobles du Pays de Herve et de la région liégeoise participent activement à son maintien.

  • Papillons menacés :

    Citons notamment la Mélitée du plantain (Melitaea cinxia), visiblement de retour dans des parcelles où l’on tolère les adventices, et la Proserpine (Zerynthia rumina), dont plusieurs stations ont été recensées dans des anciens coteaux reconvertis en vignoble diversifié (source : Plan Maya-Natagora).






Flore : des plantes rares profitant de la transition viticole

Le recours limité aux traitements et le maintien d’enherbements fossiles permettent à une pharmacopée de plantes parfois menacées de s’épanouir à nouveau :

  • Orchidées sauvages :

    Notamment l’Ophrys abeille (Ophrys apifera) et l’Orchis bouffon (Anacamptis morio), présentes dans les vignes enherbées sans herbicide. Les chiffres 2020 de l’asbl Orchis démontrent jusqu’à 4 fois plus de pieds recensés dans les vignobles durables comparé aux grandes cultures conventionnelles.

  • Coquelicot (Papaver rhoeas) et bleuet (Centaurea cyanus) :

    Longtemps éradiqués, ils réapparaissent au gré des années sans destruction du sol et des re-semis, profitant de pratiques telles que le semis direct ou le non-labour.

  • Rosiers sauvages, sureaux, aubépines :

    Plantés en haies ou conservés en lisière, ils jouent à la fois un rôle refuge pour la faune et enrichissent la trame locale de buissons autochtones. Plusieurs projets de plantations participatives sont pilotés par Natagora et soutenus par certains vignerons labellisés « Biodiversité ».






Cultiver différemment : Les leviers de la viticulture responsable pour la biodiversité

Moins de chimie, plus de vie

À la différence de la monoculture intensive, les domaines responsables limitent drastiquement l’emploi de fongicides et bannissent les herbicides de synthèse. Cela permet :

  • Une explosion des insectes auxiliaires (coccinelles, syrphes, araignées), qui régulent naturellement les ravageurs de la vigne.
  • Le maintien d’un sol vivant, riche en vers de terre et champignons mycorhiziens, fondamentaux pour l’équilibre de la microfaune.

Aménagements écologiques : les « petits gestes qui font tout »

  • Murets de pierres sèches remis à l’honneur : Ces structures anciennes, restaurées ou construites, constituent des havres thermiques pour reptiles et insectes pollinisateurs, avec par exemple la présence avérée de l’Osmie cornue.
  • Tas de bois et mares : Essentiels à la reproduction de la salamandre tachetée (Salamandra salamandra), protégée en Wallonie.
  • Haies mixtes indigènes : Elles servent de corridors pour la mouvance des mammifères (comme la musaraigne couronnée), oiseaux et insectes, tout en freinant l'érosion sur terrains en pente.





Zoom sur quelques vignobles wallons exemplaires

Ce n’est pas qu’à Sancerre ou Bordeaux qu’on trouve des exploitations modèles ! Quelques exemples précis en Wallonie :

Domaine Espèces remarquables présentes Pratiques phares
Chant d’Eole (Quévy) Lézard des murailles, papillons diurnes rares Enherbement total, haies, zéro insecticide
Domaine de Mellemont (Thorembais-Saint-Trond) Oiseaux champêtres, orchidées, hérisson Bandes refuges, agriculture bio certifiée, gestion différenciée
Domaine du Chenoy (Namur) Haies à aubépines, musaraigne, chouette chevêche Label bio, association cultures/vigne, haies bocagères





Des chiffres pour mesurer l’impact

  • +32 % de diversité aviaire observée dans les parcelles enherbées, par rapport aux vignes « propres » (source : Monitorat Nature SPW, 2021-2023).
  • 1 hectare de vigne gérée écologiquement abrite en moyenne 20 à 40 % d’espèces de papillons supplémentaires versus une parcelle conventionnelle.
  • Le Bruant jaune trouve 6 fois plus de sites de nidification dans des vignobles à gestion extensive (rapport Natagora, 2022).





Perspectives : La viticulture wallonne, laboratoire d’alliances pour la vie sauvage

La richesse de la biodiversité dans les vignes responsables wallonnes démontre que l’agriculture et la protection de la nature ne sont pas incompatibles. Ces écosystèmes mosaïques favorisent la coexistence d’espèces parfois relictuelles, tout en répondant à une attente sociétale de vins durables.

À l’heure où l’Europe place la biodiversité au cœur de la PAC (Politique agricole commune) et que les consommateurs s’interrogent sur l’origine de leurs produits, la Wallonie a là un coup d’avance. Chaque bouteille issue de ces vignes responsables raconte désormais l’histoire d’une terre qui reprend vie.

Pour approfondir le sujet :

Un paysage peut être modelé, mais la vie qui s’y installe ne ment pas : où la main de l’homme accueille la nature, le chant des oiseaux et le vol des papillons signent le retour de la biodiversité au cœur des terroirs viticoles wallons.






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