Vins wallons : peuvent-ils séduire au-delà de nos frontières ?

2 juillet 2025

Un vignoble jeune, mais ambitieux : état actuel de l’export wallon

L’essor de la viticulture wallonne ne passe plus inaperçu dans le paysage agricole belge : en 2023, la Wallonie affichait près de 253 hectares de vignes, représentant environ 2/3 de la surface nationale (source : SPF Économie, chiffres 2023). Ce dynamisme s’accompagne d’une production en nette croissance : 2,3 millions de bouteilles produites par les vignerons wallons en 2022, un chiffre encore impensable il y a dix ans.

Toutefois, à l’échelle internationale, la Belgique reste un acteur modeste. Selon le rapport de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV, 2023), elle figure à la 43ème place des pays producteurs, très loin derrière ses voisins français ou allemands. Cela étant dit, la donne pourrait changer grâce à la montée en gamme et la recherche d’identité propre aux vins wallons.






Quelles portes s’ouvrent aujourd’hui à l’exportation ?

Les vins belges, et ceux de Wallonie en particulier, restent principalement consommés localement : la grande majorité de la production transite directement de la cave au consommateur wallon via les circuits courts, les restaurants, et quelques points spécialisés. Mais depuis 2017, plusieurs domaines commencent à tisser leur toile à l’international : Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne, mais aussi Canada, Royaume-Uni et, plus récemment encore, Japon (sources : Vitivini.be, Wallonia Export).

  • Environ 10 % de la production totale des vins wallons (soit 230 000 bouteilles/an) trouve preneur à l’étranger (SPF Économie, 2023).
  • Le créneau principal : les mousseux, qui séduisent particulièrement en Europe du Nord et au Japon, où la demande en sparkling locaux exotiques est en forte progression (Wine Intelligence, 2022).
  • Quelques cuvées tranquilles (Pinot Noir, Chardonnay, Solaris) percent discrètement sur les marchés spécialisés ou auprès de sommeliers étrangers à la recherche d’originalité.





Pourquoi les vins wallons intéressent-ils certaines places de marché ?

L’image du vin wallon reste encore confidentielle à l’export, mais elle coche de plus en plus de cases recherchées par les acheteurs internationaux pointus :

  • Authenticité et curiosité : La "nouveauté" séduit. À l’ère des spiritueux alternatifs et des bulles venues des extrémités du globe (Cornouailles, Tasmanie…), les négociants et sommeliers sont friands de nouveaux vignobles « frais » (Jancis Robinson, Financial Times, sept. 2022).
  • Engagement écoresponsable : Près de 60 % des vignerons wallons revendiquent une démarche bio, biodynamique ou HVE. C’est un vrai argument de différenciation face à l’uniformisation des grandes régions viticoles mondiales (AWEX 2023).
  • Production artisanale et micro-cuvées : Les séries limitées, élaborées majoritairement à la main, répondent à un engouement pour les produits rares, souvent très cotés sur les marchés d’export haut de gamme.





Les freins majeurs à l’exportation des vins wallons

  • Reconnaissance tardive : L’histoire récente de la viticulture wallonne, couplée à l’absence d’appellations mondialement connues, rend le positionnement complexe. Les professionnels étrangers peinent parfois à situer la Wallonie sur la carte viticole (RVF, 2023).
  • Volumes trop restreints : À l’échelle d’une exploitation wallonne (surface moyenne : 3,3 ha), difficile de répondre à la demande constante de grands distributeurs ou d’exportateurs. Il y a un risque de rupture de stock, ce qui freine des accords commerciaux durables.
  • Coût de revient élevé : En Belgique, les charges salariales et foncières font grimper les prix : les vins wallons, vendus entre 13 et 30 € la bouteille (prix moyen export 2023, Source AWEX), peinent à rivaliser avec les “petits vins” du Languedoc, d’Allemagne ou d’Espagne, souvent deux à trois fois moins chers.
  • Distribution spécialisée : L’export nécessite de solides contacts pour pénétrer les réseaux étrangers : agents, importateurs, salons spécialisés… des barrières qui limitent pour l’instant la percée de nombreux producteurs wallons.





Quelques succès et initiatives qui changent la donne

Malgré les obstacles, certains domaines wallons parviennent à tirer leur épingle du jeu sur des marchés de niche ou par le biais d’accords habiles :

  • Domaine du Chenoy : Mousseux et blancs tranquilles présents au Canada, au Japon et en Scandinavie. Les cuvées bio, élaborées à partir de cépages résistants comme le Solaris, sont mises en avant par des importateurs spécialisés bio (Vino Magazine, 2022).
  • Chant d’Eole : Les bulles du Hainaut s’exportent notamment au Royaume-Uni et au Luxembourg, portées par des concours internationaux (IWSC, Wine Enthusiast) qui ont récemment primé ces vins.
  • Domaine du Ry d’Argent : Les partenariats avec la chaîne Delhaize et plusieurs cavistes aux Pays-Bas permettent une visibilité internationale quasi immédiate.

Ces exemples illustrent le potentiel des mousses, portées par leur image festive et leur fraîcheur, mais aussi la nécessité d’une stratégie marketing ciblée, adaptée à chaque marché export.






L’impact des concours et des prix sur l’exportation

Un levier inattendu pour la notoriété des vins wallons à l’étranger réside dans les concours internationaux. En 2023, la Belgique a remporté plus de 40 médailles dans des compétitions telles que Mundus Vini, Decanter ou IWSC, dont la moitié pour des domaines wallons.

  • Ces distinctions servent de passeport pour l’export : elles rassurent importateurs et distributeurs sur la qualité constante des cuvées, selon l’analyse de Wine Paris & Vinexpo 2023.
  • En Angleterre et au Canada, les récompenses facilitent souvent la première commande, la reconnaissance par la presse spécialisée accélérant le bouche-à-oreille auprès des sommeliers (L’Echo, 2023).





Perspectives : les cartes à jouer des vignerons wallons

Sur un marché mondial du vin de plus en plus concurrentiel (le commerce mondial vient de dépasser 37 milliards d’euros en 2023 d’après la FAO), il y a une place à saisir pour les vins différenciants, en dehors des sentiers battus. En Wallonie, un axe prometteur consiste à :

  1. Capitaliser sur la singularité des cépages résistants (Solaris, Johanniter, Muscaris) adaptés au climat local, peu traités et à très faible impact carbone. Peu présents ailleurs, ils intriguent les acheteurs internationaux soucieux de durabilité.
  2. Miser sur la formation (sommeliers, agents commerciaux spécialisés), mais aussi sur l’œnotourisme, pour faire découvrir sur place l’originalité des cuvées wallonnes avant de les exporter.
  3. S’associer davantage entre domaines pour mutualiser logistique, campagne marketing, et présence sur les grands salons internationaux : la Fédération des Vins Wallons a d’ailleurs multiplié les initiatives dans ce sens depuis 2021.

Enfin, l’export n’efface pas pour autant l’importance du marché local et belge : l’ancrage régional, la vente directe et le dialogue avec les consommateurs constituent toujours l’ADN du vin wallon. Mais c’est surtout en jouant sur ses différences (rareté, fraîcheur, engagement environnemental) que le vignoble wallon pourra construire une réputation solide hors de ses frontières.

Une chose est sûre : après avoir conquis le cœur des Belges, les amateurs du monde entier pourraient bientôt trinquer avec un vin wallon… pour peu que les producteurs persistent sur la voie de la qualité et de l’innovation.






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