Comment la viticulture responsable façonne la biodiversité en Wallonie

4 août 2025

Favoriser la vie autour des vignes : des pratiques concrètes en Wallonie

Les initiatives wallonnes en faveur de la biodiversité se démarquent par leur inventivité et leur pragmatisme. Plusieurs domaines, conscients de leur rôle d’écosystème, ont mis en œuvre des actions très ciblées :

  • Implantation de bandes fleuries et prairies naturelles : Des parcelles sont volontairement laissées à l’état semi-sauvage à proximité ou au cœur des vignes, accueillant papillons, abeilles sauvages, et micro-mammifères. À Kortenberg, par exemple, une prairie fleurie de 2000 m² a favorisé le retour du syrphe (un prédateur naturel de pucerons) dès la deuxième année.
  • Entretien des couverts végétaux entre les rangs : En alternative au travail du sol ou aux herbicides, les vignerons sèment des couverts (trèfle, vesce, fétuque) qui améliorent la structure du sol et servent de refuge à une microfaune utile.
  • Hôtel à insectes et abris à chauve-souris : Des installations multiples sont visibles notamment chez Vin de Liège et Vin d’Otrange, hébergeant chrysopes, coccinelles, mésanges, chauves-souris… Ces auxiliaires participent activement à la lutte contre les ennemis de la vigne (sources : Vin de Liège, FERME, Natagora).

La mosaïque de milieux créés multiplie les niches écologiques et rompt la monotonie des monocultures.






Haies, arbres et zones non cultivées : piliers d’un vignoble vivant

L'enjeu des infrastructures naturelles n’a rien d’anecdotique : elles transforment radicalement la qualité du terroir et du paysage.

  • Haies vives et bosquets : Redécouverts pour leur rôle de corridor biologique, ils hébergent une biodiversité remarquable. Dans la vallée de la Meuse, certaines haies de charme, aubépine et noisetier ont été restaurées autour de vignobles et abritent plus de 30 espèces d’oiseaux nicheurs d’après une étude de Natagora en 2022.
  • Arbres isolés et ripisylves : Le simple fait de maintenir un chêne centenaire ou de planter un alignement d’érables permet d’accueillir écureuils, pics, mésanges et même la chouette chevêche, menacée sur certains territoires viticoles.
  • Zones enherbées et friches structurées : Contrairement à la vigne nue, les « sols vivants » retiennent l’eau, abritent lombrics et carabes, et limitent l’érosion.

Tous ces éléments introduisent de la complexité, favorisant la pollinisation, la régulation naturelle des ravageurs et la stabilité des sols (source : Biodiversité & Vigne, Coordination Nature ASBL).






L’impact majeur du choix “zéro herbicide” sur les écosystèmes locaux

La lutte contre les « mauvaises herbes » sans chimie change la donne dans les écosystèmes viticoles.

  • Les herbicides à base de glyphosate, encore répandus dans 80 % des vignobles européens en 2018 (source : OIV), ont massivement réduit la diversité floristique et microbienne.
  • Leur suppression, effective dans la majorité des domaines bio wallons, permet le retour d’espèces végétales méconnues, comme le (Caille-lait jaune) ou le (Plantain lancéolé), dont la présence dans certains vignobles wallons a doublé depuis 2016, selon les relevés de la SRFB (Société Royale Forestière de Belgique).
  • Les populations de vers de terre y explosent : la station expérimentale de Gembloux Agro-Bio Tech a relevé +150 % d’individus/m dans les rangs non traités aux herbicides.

Moins de chimie, cela signifie aussi plus de papillons, de carabes, et, à moyen terme, des rendements plus stables grâce à un sol vivant, plus résistant aux stress hydriques.






Vignerons et associations de nature : une alliance inattendue mais fructueuse

La Wallonie se distingue par des partenariats publics-privés exemplaires qui mettent la protection des écosystèmes au cœur de la gestion viticole :

  • Natagora & BiodiverCité : Depuis 2017, plus de 15 vignobles wallons travaillent avec Natagora pour la cartographie des zones à enjeux écologiques. Le programme “BiodiverCité”, financé en partie par la Région wallonne, aide les domaines à prioriser plantations de haies, installation de mares ou sauvegarde d’arbres remarquables.
  • Actions coordonnées pour la faune “verte” : Des opérations de recensement d’orchidées et d’amphibiens, puis la création de corridors dans les vignes de Couthuin et Orp-Le-Grand, ont permis à la rainette arborescente et à la rosalie des Alpes (un coléoptère rare) de s’y établir durablement (sources : rapport BiodiverCité 2022).
  • Événements outils de sensibilisation : Organisation de journées portes ouvertes nature, balades commentées et chantiers bénévoles pour la gestion des zones refuges à la ferme du Chant d’Éole ou au vignoble du Ry d’Argent.

Ces collaborations débouchent sur la co-construction de diagnostics écologiques et la définition d'indicateurs partagés pour évaluer l’évolution de la biodiversité sur plusieurs années.






Espèces protégées et retours remarqués dans les vignobles responsables

Quand la viticulture responsable s’implante, les espèces remarquables font vite leur retour, preuve de l’efficacité des méthodes “pro-biodiversité”.

  • Oiseaux : Le bruant proyer et l’alouette lulu, tous deux en déclin dans le Plat pays, nichent désormais régulièrement dans certaines vignes du Brabant wallon (sources : Suivi Faune 2020, Observatoire ornithologique).
  • Pollinisateurs : On observe un quadruplement du nombre d’abeilles sauvages ( et ) sur les vieilles haies du vignoble de Villers-la-Vigne, par rapport aux parcelles non entourées (Biodiversité.wallonie.be).
  • Flore remarquable : Sabline des montagnes, ophrys abeille et sanguisorbe officinale reconquérantes des pelouses maigres, souvent grâce à la fauche tardive et la limitation du piétinement.





La biodiversité, moteur d’équilibre viticole et outil de résilience

Plus que jamais, une biodiversité riche s’impose comme une garantie d’équilibre :

  • Régulateur naturel des ravageurs : Mésanges, chauves-souris et syrphes modèrent l’accroissement des populations de vers de la grappe, d’eudémis ou d’araignées rouges. Les domaines très biodiversifiés peuvent réduire de 30 à 70 % leur recours aux traitements insecticides, selon les évaluations de Proxynature ASBL et de l’Université de Liège (2019).
  • Santé du sol et productivité : Les mycorhizes, bactéries libres et microfaune boostées par la diversité végétale protègent du dépérissement précoce, stabilisent la structure des terrains et stimulent le bon développement racinaire de la vigne.

À l’heure où la pérennité du vignoble wallon dépend de son adaptation face au changement climatique, miser sur la biodiversité, c’est se donner la chance d’un terroir vivant, évolutif et moins dépendant des aléas chimiques. Chaque action pour la nature ouvre la voie à une viticulture plus humaine et une véritable synergie entre production, passion et préservation du patrimoine local.






Vers un paysage viticole exemplaire en Wallonie ?

Initié par des professionnels pionniers, stimulé par la société civile et accompagné par les pouvoirs publics, le lien entre viticulture responsable et biodiversité n’a jamais été aussi tangible. Ce modèle wallon, certes encore marginal à l’échelle des grandes régions viticoles d’Europe, propose une voie réaliste et inspirante pour concilier vins de terroir, plaisir des papilles et nature foisonnante.

  • Près de 60 % des nouveaux projets viticoles wallons intègrent désormais un volet biodiversité dès la conception (source : Cellule d’Appui à la Viticulture Durable, Wallonie, 2023).
  • La progression du bio, du zéro herbicide et de la restauration paysagère offrent à la Wallonie un atout différenciant face à la standardisation viticole mondiale.
  • La multiplication des études in situ et l’implication continue des associations naturalistes invitent à dépasser le simple label pour une démarche dynamique, co-construite avec la biodiversité locale comme boussole.

Soutenir les vignerons qui font ce choix, c’est œuvrer concrètement à l’avenir de paysages vivants, où l’homme, la vigne et la multitude du vivant forment un écosystème équilibré. Une fierté et aussi... une véritable promesse pour les générations à venir.






En savoir plus à ce sujet :