Les mécanismes d’adaptation des sols (et des vignerons) à la sécheresse
1. Le rôle précieux de la matière organique
Un sol riche en matières organiques fonctionne comme une éponge. Les humus peuvent stocker de 2 à 4 fois leur poids en eau. Sur le terrain, la différence est flagrante : un domaine qui a réintroduit des composts et des couverts végétaux voit sa réserve utile augmenter de 20 à 50 mm/m, selon l’ITAB (2022).
Une expérimentation menée en Bourgogne démontre qu’après 8 ans de gestion biologique (apports réguliers de matières organiques, couverts d’engrais verts), la résistance à la sécheresse avait augmenté de 25% sur parcelle (source : Sicavac, 2019).
2. La vie du sol, alliée secrète contre le stress
Chaque gramme de sol vivant abrite champignons, bactéries, actinomycètes, ou encore microarthropodes, tous impliqués dans cycles de l’eau et de la matière. Un sol vivant améliore l’infiltration de l’eau, limite la formation de croûte, structure naturellement le terrain et offre aux racines un accès plus profond à l’humidité subsistante.
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Mycorhizes : Ces champignons symbiotiques développent de véritables réseaux souterrains qui amplifient le volume de sol exploré par les racines, augmentant jusqu’à 30 % la capacité d’absorption d’eau des ceps.
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Lombrics et organismes creuseurs : Ils créent des galeries, favorisant la descente de l’eau de pluie et sa répartition après un épisode sec.
3. Pratiques culturales pour limiter l’impact de la sécheresse
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Couverts végétaux : Semés entre les rangs, ils protègent le sol du rayonnement direct, limitent l’évaporation et restituent des matières organiques. L’enherbement maîtrisé est désormais largement adopté en Champagne et, de plus en plus, en Wallonie.
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Paillage : Il absorbe le choc du soleil et garde l’humidité. Beaucoup de domaines en biodynamie l’ont adopté, avec des résultats notables lors des canicules de l’été 2022.
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Travail du sol limité : Un passage d’outil superficiel, jamais profond, préserve la structure et les micro-organismes. L’abandon du labour profond s’ancre au cœur des bonnes pratiques face à la sécheresse.
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Sélection de porte-greffes résistants : Certains porte-greffes, comme le 110 Richter utilisé à Bordeaux ou le 41B adopté dans certains vignobles wallons, permettent à la vigne d’aller chercher l’eau plus profondément.
4. Irrigation : une solution d’exception, mais controversée
En Wallonie, l’irrigation des vignes n’est autorisée que de façon très limitée (essais ou situations extrêmes). En France, certaines AOP l'interdisent totalement, d’autres tolèrent des apports “d’appoint”. Si la sécheresse devient chronique, la question sera tôt ou tard posée aussi chez nous. Mais cette solution, coûteuse et parfois risquée (risque de lessivage, dépendance accrue), ne doit pas faire oublier le pilier : améliorer et préserver la qualité du sol.