Synergie en Wallonie : Quand Vignerons et Producteurs Fermiers Réinventent le Terroir

30 août 2025

L’union fait la force : nouvelles dynamiques dans les campagnes wallonnes

Au fil des années, la notion de terroir wallon s’est enrichie de nouvelles alliances. À l’image d’un vignoble où chaque rangée de vigne cohabite avec herbes folles et insectes à leur affaire, le paysage agricole wallon se transforme. Depuis quelques années, une rupture franche s’opère : les vignerons et producteurs fermiers multiplient les partenariats, échangeant tours de main, parcelles et savoir-faire.

Ce mouvement, loin d’être anecdotique, répond à quatre enjeux majeurs :

  • Accroître la résilience face aux défis économiques et climatiques.
  • Améliorer la valorisation des productions locales.
  • Optimiser la gestion des ressources naturelles.
  • Renforcer le lien social et la visibilité du patrimoine rural.

Mais pourquoi cette dynamique collaborative, et quels en sont les impacts concrets ?






Du champ à la cave : complémentarité et circuits courts

La Wallonie compte désormais plus de 260 exploitations viticoles (AWEX, 2023), mais la majorité des vignerons restent modestes en taille. À l’inverse de régions comme la Bourgogne ou la Toscane, on parle de quelques hectares, rarement plus de 7-8 ha par domaine.

Voilà pourquoi leur survie dépend très souvent de circuits courts :

  • Vente directe à la ferme ou à la cave.
  • Marchés de producteurs locaux.
  • Paniers et formules d’abonnement groupé.

C’est dans ce contexte que naît la complémentarité : le raisin des vignerons s’invite dans les paniers de légumes, les œufs ou fromages fermiers accompagnent les dégustations de vins locaux. Cette association ne relève pas du simple “faire sympa” : d’après l’Observatoire de l’Agriculture du SPW (SPW Agriculture, 2023), 64 % des exploitations wallonnes en circuits courts déclarent travailler main dans la main avec d’autres producteurs pour élargir leur offre… et fidéliser la clientèle !

Exemple local

Plusieurs vignerons de la province du Hainaut mettent leurs caves à disposition pour des ventes collectives, comme à Estinnes ou Genappe, où le vin côtoie pain, miel, légumes racines et fromages de chèvre dans une ambiance quasi festive.






Des ressources partagées pour des terroirs préservés

L’échange n’est pas qu’économique, il est agronomique. Le morcellement du foncier wallon force les acteurs à mutualiser ressources et équipements. Voici quelques exemples de coopération concrète :

  • Matériel partagé : Tracteurs ou équipements de traitement alternatifs sont loués ou mutualisés entre fermier et vigneron. Cela réduit les coûts d’investissement et limite l’impact environnemental.
  • Gestion de l’eau : L’accès à l’eau d’irrigation, parfois complexe, est facilité par des réseaux communs, voire la création de mares partagées pour lutter contre la sécheresse croissante.
  • Compost et paillage : Les déchets organiques issus des deux filières servent à produire des composts riches, parfois mutualisés pour régénérer les sols des vignes comme des champs de légumes.

Résultat ?

Un sol plus vivant et une moindre dépendance aux engrais et pesticides, deux critères qui font la différence pour les consommateurs attentifs. À noter : selon l’enquête 2022 du CRA-W (CRA-W), 42 % des domaines viticoles en Wallonie sont engagés dans une démarche agroécologique, dont la moitié en coopération directe avec des fermes voisines.






Des alliances pour affronter les chocs économiques

La flambée du coût de l’énergie, la variabilité des rendements, la pression de la grande distribution… Tous ces éléments fragilisent les modèles agricoles indépendants. Mais l’alliance avec d’autres producteurs joue un rôle d’amortisseur économique :

  1. Marge améliorée grâce à la suppression des intermédiaires.
  2. Clients fidélisés via une offre diversifiée.
  3. Visibilité accrue lors d’événements locaux : portes ouvertes, dégustations à la ferme et marchés festifs sont l’occasion de partager les publics.

En Wallonie, l’association “Circuit Court” note une hausse de 80 % du chiffre d’affaires pour les exploitations ayant développé une offre multi-producteurs entre 2019 et 2023. Le modèle plaît, tant par l’efficacité économique que par la convivialité retrouvée du commerce local.






La solidarité pour un terroir plus résilient

Face à l’accélération du changement climatique, l’entraide devient un gage de survie. Plusieurs chantiers témoignent de la résilience obtenue grâce à la collaboration :

  • Des plantations d’arbres et de haies menées collectivement, offrant ombrage et biodiversité bénéfique (notamment pour lutter contre les gels printaniers ou la sécheresse estivale).
  • Des “couverts végétaux partagés” (seigle, lupin, vesce…), semés après vendanges dans les vignes ou entre les rangs de légumes pour limiter l’érosion et enrichir le sol pour toutes les cultures voisines.
  • L’échange de conseils sur le choix des cépages résistants et des variétés maraîchères les mieux adaptées au terroir et au climat local.

L’exemple du vignoble bio de Saint-Vincent, à Villers-la-Ville, illustre bien cette facilité à expérimenter en réseau. La rotation culturale (légumes racines/vigne) a permis de réduire de 30 % les intrants phytosanitaires et d’améliorer la résilience aux maladies cryptogamiques (Saint-Vincent Villers).






Redonner du sens à la ruralité : nouveaux métiers, nouveaux liens sociaux

Ce renouveau coopératif dépasse la seule sphère économique ou écologique :

  • De nouvelles associations comme “Vins & Fromages de la Meuse” forment des synergies uniques, favorisant la création d’ateliers collectifs et de formations à destination du public.
  • Certains producteurs n’hésitent plus à proposer des offres touristiques groupées, avec balades dans les vignes suivies de tables paysannes au cœur de la ferme.
  • Des événements porteurs de sens se multiplient : balades gourmandes, vendanges participatives, ateliers pédagogiques. En 2022, près de 12 000 visiteurs ont été accueillis par les fermes vitrines du Hainaut et du Brabant wallon (source : Fédération Wallonne de l’Agriculture).

Cette émulation rurale dynamise le tissu social : les consommateurs redécouvrent la richesse de leur terroir, et les jeunes (re)trouvent de nouveaux débouchés professionnels dans ces filières conjuguées, à la croisée de l’agriculture, de l’alimentation et du tourisme vert.






Freins et défis : pas (toujours) un long fleuve tranquille

Bien sûr, la coopération n’est pas sans aléas :

  • Contraintes administratives (se regrouper en GIE, créer des statuts communs, justifier les aides publiques, etc.).
  • Logistique : il faut gérer les plannings, tenir les stocks, organiser les tournées ou les retirages groupés… Ce n’est pas de tout repos !
  • Culture d’entreprise : les approches divergent parfois entre le monde de la vigne (plus axé sur le long terme) et le secteur maraîcher (cycle plus court et volume plus variable).

Cependant, la montée en puissance des plateformes numériques locales (type C'est Fait Ici) et des dispositifs régionaux d’accompagnement technico-économique (cf. Filière Bio) permet de lever progressivement ces barrières.






Un modèle qui s’installe durablement

La dynamique collaborative entre vignerons et producteurs fermiers en Wallonie ne relève plus du simple effet de mode. Elle répond à une double quête : celle de la souveraineté alimentaire locale et du maintien vivant des paysages ruraux. Plus qu’une tendance, c’est désormais un pilier du tissu économique et social wallon.

À l’heure où la Wallonie ambitionne de doubler ses surfaces en bio et de renforcer la part des circuits courts (objectif du Gouvernement wallon : 20 % du panier alimentaire d’ici 2030 issu de ces filières), les alliances de terrain apparaissent comme la solution la plus pragmatique.

Demain, tradition rime avec innovation : le verre de vin wallon que l’on partage à table racontera bientôt bien plus que le cépage enivrant. Il sera le fruit d’une solidarité retrouvée, d’un terroir défendu collectivement et du plaisir – tout simplement – de consommer ensemble.






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