Terroirs vivants : Sélection de produits wallons qui subliment les vins naturels locaux

21 septembre 2025

Panorama rapide des vins naturels wallons

Avant de déguster, il faut comprendre : en Wallonie, les vins naturels défendent une philosophie qui repose sur la viticulture biologique ou biodynamique, la récolte manuelle, la vinification sans intrant œnologique (hors un soupçon de soufre le cas échéant) et une authenticité assumée, parfois déroutante. C’est un vignoble en pleine ébullition : en 2023, on comptait déjà plus de 250 hectares dédiés à la vigne en Wallonie, soit une progression de plus de 40 % en cinq ans (source : Office wallon des Vins). Parmi les figures marquantes : les Vignobles du Domaine du Ry d’Argent (Namur), le Domaine du Chenoy (Namur), le Vin de Liège ou le Château de Bioul – beaucoup directement impliqués dans des démarches bio et naturelles.

Ce profil vivant, parfois légèrement perlant ou trouble, demande des compagnons de table capables de respecter l’énergie et la spontanéité du vin.






Des fromages fermiers d’exception pour révéler les jus naturels

Difficile de parler terroir sans remettre le fromage fermier sur le devant de la scène. Voici les accords où le 1 + 1 fait souvent 3.

Accords sur les vins blancs naturels

  • Herve fermier au lait cru : ce fromage AOP, typique du Pays de Herve, développe des parfums intenses, légèrement boisés et animales ; sa croûte lavée et son caractère puissant appellent un blanc naturel nerveux, à base de Solaris ou Johanniter. L’acidité du vin désaltère, la texture crème du fromage s’atténue, les arômes s’unissent sur de jolis fruits secs et un léger picotement lactique en rétro-olfaction.
  • Le Remoudou : sa puissance et sa texture de pâte molle font merveille avec des blancs à macération légère ou même un vin orange de type Souvignier gris, qui va chercher du répondant dans son amplitude.

Fromages de brebis et chèvres

  • Pavé de Soignies : produit dans la tradition des tommes, il a besoin de fraîcheur : faites-le rencontrer un vin rosé naturel bien droit, à base de Regent ou Pinotin. Le gras du fromage tapisse le palais ; l’acidité digeste du vin le relève et le prolonge.
  • Bricotin de chèvre fermier : sa finesse et ses notes lactées adorent les blancs légèrement oxydatifs ou un pétillant naturel wallon. Accord sur la fraîcheur et la légèreté.

Bon à savoir : plus le vin est jeune et vif, plus il faut éviter les fromages trop affinés, qui domineraient le duo.






Charcuteries artisanales : du croquant, de l’umami et du gras tout en nuance

Le cochon wallon fait sa révolution : porc Piétrain ou de race Duroc, élevé sur paille chez des artisans comme la Ferme du Bijou (Tenneville) ou Ferme Baré (Ohey). Ces viandes charcutières, affinées lentement, offrent un compagnon idéal à la vivacité et à la franchise des vins naturels.

  • Coppa ou lonzu wallon : le gras fondant, les notes musquées, vont main dans la main avec des rouges naturels légers et peu tanniques (Pinot noir, Rondo, Léon Millot). Un mariage en subtilité, ni trop animal ni boisé.
  • Saucisson sec artisanal : attention à ne pas viser trop épicé, ce qui saturerait le palais. Préférez un saucisson doux, légèrement fumé, avec un vin pétillant nature à base de cépages hybrides (Muscaris, Johanniter). La bulle nettoie et ravive chaque bouchée.
  • Jambon d’Ardenne IGP : tranché fin, idéal sur un rouge fruité et digeste (type Dornfelder). Le sel et le vin s’équilibrent, les notes fruitées du jus s’étirent.





Produits végétaux : inspirations terre et jardin wallon

Nul besoin systématique de protéines animales pour mettre un vin naturel wallon à l’honneur. Le potager livre bien des accords surprenants, d’autant plus pertinents qu’on le retrouve de plus en plus intégré dans les pratiques agroécologiques locales (cf. la montée des systèmes maraîchers en permaculture autour de Namur et Huy – source : FUGEA, 2022).

  • Asperges de Malines (cultivées aussi en Wallonie, notamment Gembloux) : leur amertume délicate demande un vin blanc nature pur, vif, avec très peu d’arômes secondaires (Soléal, Solaris, Bronner). Poêlées au beurre frais, elles révèlent leur douceur.
  • Betteraves anciennes rôties : leur sucre naturel et leur note terreuse appellent des rouges naturels tout en fruits, peu extraits, idéalement servis frais.
  • Tartare de légumes racines : fenouil, carotte, navet croquant. Accord idéal sur un mousseux naturel wallon pour la fraîcheur et l’intensité aromatique.





Le pain paysan au levain, liant essentiel

S’il existe un fil rouge entre tous ces accords, c’est le pain au levain, redevenu star des fournils en Wallonie : la Ferme Baré, Au Carré du Pain (Namur) ou Le pain d’Odette (Liège) illustrent le mouvement. Sa croûte épaisse, sa mie ouverte, et ses arômes légèrement acidulés, amplifient la gourmandise des vins naturels. Légère acidité et texture moelleuse absorbent les tanins encore jeunes ou les bulles parfois marquées de certains vins locaux.

Petit “twist” à tester : avec un pain au sarrasin, tentez un vin blanc nature structuré – sensations nouvelles garanties, presque céréaliennes.






À la découverte des confits et produits sucrés artisanaux

Même au pays du salé, les artisans wallons bousculent les codes. Pomme, poire, groseille, framboise, sureau : les préparations sucrées locales dialoguent à merveille avec les vins, notamment en apéritif ou en association “fromage + confit + vin”.

  • Sirop de Liège : ce concentré de fruits du verger, intense et équilibré, magnifie un vin rouge nature assez jeune, plutôt acidulé, qui répond au fruit sans tomber dans la mollesse.
  • Gelée de groseille à maquereau : son acidité tranche avec une tomme de vache et appelle un vin blanc nature sur lies, qui prolonge les arômes frais.
  • Compotes “rustiques” pomme-poire : sur foie gras de canard local, accompagne admirablement un vin naturel moelleux (Sirius, Muscat).

Fait marquant : La Wallonie compte plus de 650 exploitations (fruits et produits transformés) ayant une activité certifiée bio ou naturelle en 2022 (source : BioWallonie).






Côté cuisine : quelques plats emblématiques et accords inédits

Pour aller plus loin, quelques plats-phares peuvent sublimer un vin naturel, à condition d’adapter les cuissons et assaisonnements :

  • Boulets à la Liégeoise : relevés par leur sauce au sirop, appellent un rouge nature nerveux, structuré mais frais. Les tanins font face, le fruit épouse le sucre-rond.
  • Truite de rivière fumée : propriétaires du Domaine de la Lienne proposent même leurs propres truites, parfaites sur un vin blanc nature cristallin, ciselé. L’iode et la fraîcheur se rejoignent.
  • Salade de jeunes pousses, graines germées, vinaigrette au vinaigre de sureau : compagnon évident des bulles naturelles faiblement dosées, pour un accord purement printanier.

Le secret ? Toujours avoir une dimension d’acidité ou de vivacité pour contrebalancer une cuisine parfois terrienne, sans jamais surcharger le plat.






Quelques astuces pour bien choisir ses produits du terroir wallon

  • Privilégier les AOP, IGP et labels bio pour une traçabilité accrue (Herve AOP, Jambon d’Ardenne IGP, produits Nature & Progrès...)
  • S’orienter vers des artisans et fermes recensés par Wallonie Saveurs ou Goûter l’Ardenne
  • Demander conseils aux vignerons : souvent, ils ont leurs propres producteurs-partenaires pour des accords sur-mesure.
  • Tester des épiceries spécialisées locales (La Ferme à l’Armoire, Les Copains d’abord...) qui sourcent directement leurs produits.

Contre toute attente, la Wallonie est avant tout un terrain hybride : innovation permise à la marge, tradition réinventée, produits transversaux.






En route vers de nouveaux mariages gourmands

La force du vin naturel wallon, c’est d’ouvrir la conversation plus que d’imposer un diktat d’accords. Fromages au lait cru, cochonnailles élevées sur paille, confits aux baies anciennes, pain au levain : voilà de quoi bâtir une table vivante, sans prétention, mais pleine d’énergie. Plus qu’une simple question de costume, l’accord produit/vin devient un manifeste, une revendication joyeuse du lien à la terre.

Et la suite ? La Wallonie fourmille de nouveaux producteurs et de vignerons intrépides. Peut-être que d’ici quelque temps, des kimchis de légumes anciens ou des sauces fermentées d’épeautre rejoindront l’alchimie locale. Dans le verre comme dans l’assiette, l’aventure ne fait que commencer – il suffit de regarder où elle pousse.

Sources : Office wallon des Vins, BioWallonie, FUGEA, Wallonie Saveurs, Goûter l’Ardenne, producteurs locaux cités, documentation officielle AOP/IGP/Fermiers wallons.






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